By Onyrism Posted in One Shots 0 Comments 17 min read
Source image : Tithi Luadthong
Salut à toutes et à tous ! 😃
Je vous propose aujourd’hui de découvrir une nouvelle histoire, intitulée Raining Stars.
Ce récit s’inspire directement de la chanson éponyme du groupe de métal allemand Lord of the Lost. Toutefois, à défaut d’évoquer un amour perdu et la difficulté de surmonter cette douleur, l’histoire que vous vous apprêtez à lire raconte les derniers instants d’un homme alors que le monde s’embrase dans un chaos flamboyant… Oui : c’est joyeux ! 😅
J’espère malgré ça qu’elle vous plaira ! Bonne lecture à vous ! 😉
« Le Jour du Jugement Dernier est arrivé ! Repentez-vous ! Implorez le Tout-Puissant et demandez pardon pour vos péchés car le Royaume des Cieux est proche ! »
La Fin du Monde. Pour beaucoup, ce n’était rien d’autre que le prêche d’une poignée d’illuminés, ou de gourous cherchant à convaincre les plus naïfs d’adhérer à une secte bidon pour les plier à leur volonté. D’autres envisageaient non pas la fin du monde comme l’arrivée d’un être divin ou supérieur, mais plutôt comme un effondrement global et une extinction brutale de l’humanité. Les hypothèses étaient nombreuses, tantôt d’origine naturelle comme la chute d’un astéroïde ou une pandémie, tantôt d’origine humaine, comme un conflit généralisé, une guerre nucléaire, ou encore le réchauffement climatique… Et même si ces causes servaient généralement à alimenter les théories complotistes et les discussions de comptoir, beaucoup malheureusement se montraient sceptiques et pensaient que cela n’arriverait jamais, ou alors pas de leur vivant… Mais j’imagine qu’ils se sont tous ravisés depuis les événements de ce matin…
Aucun astrophysicien, chimiste ou homme de science n’avait envisagé pareille situation. Répondez-moi franchement : est-ce que vous m’auriez cru si je vous avais dit que le soleil allait un jour exploser et voler en éclats ? Vous vous seriez moqués de moi, vous m’auriez dit que cette histoire ressemble davantage à un mauvais film catastrophe, au scénario scientifiquement bancal… Ce jour est pourtant arrivé, et tandis que le prédicateur que j’avais l’habitude de croiser en passant par cette rue sautille nerveusement en agitant sa pancarte sur laquelle on pouvait lire « Le Jugement Dernier est proche ! », sans doute pour la dernière fois d’ailleurs, je contemple le ciel autrefois bleu avec une angoisse que jamais je n’avais ressenti jusqu’à présent. Car au milieu de cet espace teinté d’un rouge profond et cramoisi, au-dessus du monde, le Soleil morcelé était devenu plus noir encore que le néant dans lequel il se tenait, immobile sur son axe éternel, bien avant notre arrivée sur cette Terre. Des fragments se détachent petit à petit de cet astre que nous pensions tous immuable, propulsés dans l’espace à une vitesse inimaginable. Je les vois entrer dans l’atmosphère terrestre en une nuée ardente et incandescente, percutant les immeubles de la ville. Les oiseaux, désorientés et effrayés, quittent leurs perchoirs à la recherche d’un nouvel abri, mais beaucoup finissent par s’écraser au sol, percutés de plein fouet par cette pluie de cailloux stellaires brûlants.
Le monde autour de moi n’est plus que chaos : Paris, la ville qui m’a vu naître et grandir, est en proie aux flammes. Le temps s’est arrêté, comme s’il avait décidé de se moquer de nous une dernière fois, de faire en sorte que notre agonie dure le plus longtemps possible. Peu importe où se pose mon regard, je ne vois que de la panique. Tout le monde court, hurle et pleure. Les gens se bousculent et se piétinent dans le désordre le plus total ; des parents cherchent leurs enfants, et des enfants cherchent leurs parents. Certains se sont tout bonnement résignés et arrêtés dans leur course, et fixent à présent le ciel rouge d’un air désespéré et hébété… En tournant la tête, j’aperçois deux hommes s’attraper et se serrer fort l’un contre l’autre en pleurant. Il y a encore une dizaine de minutes, les deux étaient de parfaits inconnus, pourtant les voici en train de s’enlacer, cherchant à partager un peu de chaleur avant que tout ne s’arrête… Une personne vient d’en agripper une autre, la suppliant de l’aider à échapper à cette fin précipitée… Mais à quoi bon lutter : nous ne sommes tous rien de plus que des spectateurs impuissants aux premières loges de l’apocalypse, et le déferlement anarchique d’émotions humaines auquel je fais face provoque en moi un violent frisson de terreur.
Soudain, mon cœur manque un battement. Depuis combien de temps est-ce que je suis planté là ? Et d’ailleurs : qu’est-ce que je fais là ? Ayant retrouvé l’usage de mon corps, je finis par tourner la tête et bouger les bras qui s’étaient entretemps engourdis. En serrant les poings, quelque chose se froisse entre mes doigts, un sachet en papier brun rempli de viennoiseries… Quand est-ce que je les ai achetées, et pour quelle raison ? Les questions fusent dans ma tête, mais impossible d’y répondre… jusqu’à ce qu’un éclair de lucidité me traverse l’esprit, et qu’un souvenir bien particulier s’impose brutalement à moi. Paniqué, je parviens finalement à détacher mon regard de cette scène digne de mes pires angoisses et commence à tourner la tête dans tous les sens. Où es-tu ? Je me pose cette question une première fois, puis une deuxième et enfin une troisième, chaque répétition ne faisant qu’accentuer mon inquiétude. Nous devions nous retrouver et prendre le petit-déjeuner ensemble, mais cela m’était complètement sorti de la tête au moment où mon regard s’était perdu dans le gigantesque œil noir qui nous toisait depuis le ciel. Mais maintenant que je m’en souviens, et compte tenu de la situation, notre rendez-vous est devenu pour moi un besoin vital. Alors je m’élance et traverse l’allée piétonne, évitant les débris et les bâtiments qui s’affaissent et s’écroulent morceau par morceau dans un craquement terrible, et entame ma course effrénée dans les rues de la capitale française défigurée.
Tout à coup, alors que je cours depuis quelques minutes, un moment d’inattention me fait percuter le capot d’une voiture arrêtée au milieu de la voie, me faisant au passage lâcher le sachet de viennoiseries. Juste après le choc, je serre les dents alors qu’un flot d’insultes me traverse l’esprit. Je m’emporte d’un coup, tape violemment du poing la carrosserie et commence à insulter le conducteur de tous les noms qui me viennent en tête… mais je me calme rapidement en voyant l’habitacle vide du véhicule. Tout comme les autres voitures autour d’elle d’ailleurs, désertées sans doute au moment où les premiers éclats du Soleil ont commencé à entrer dans notre atmosphère… Comprenant qu’il serait inutile d’appeler la police ou les pompiers pour signaler un accident, je boîte quelques mètres, secoue la jambe en espérant que cela atténue la douleur, puis me remets en route. Je ne suis plus très loin maintenant, à une douzaine de mètres tout au plus… En voyant au loin la façade d’un immeuble s’effondrer dans un fracas assourdissant et un nuage de poussière, je prie pour que ces quelques minutes ne soient pas les dernières ! Mais finalement, j’atteins le jardin du Trocadéro, là où nous devions nous retrouver…
Les statues qui ornent habituellement l’allée sont défigurées, et le bassin central et la fontaine ont volé en éclats après qu’un fragment du Soleil se soit écrasé en une pluie de débris brûlants. Le Soleil… Tandis que je cours au milieu des décombre, je lutte pour ne pas détacher mon regard de mon objectif. Je ne dois surtout pas lever la tête, car rien que de penser à cette sphère morcelée d’un noir profond me terrifie ! Je suis à deux doigts de m’effondrer, mais je ne peux pas m’arrêter là : tant que je n’aurai pas revu ton visage, je ne m’arrêterai pas ! Mais l’horrible réalité finit par me rattraper et s’imposer brutalement à moi. Un homme vêtu d’un manteau de velours camel et d’un sweat blanc à capuche s’approche de moi. Il titube, sa tête se balançant de gauche à droite. Ses mouvements sont maladroits et incertains. Il croise mon regard, étend les bras devant lui et pose ses mains sur mes épaules. C’est alors qu’il redresse la tête et me fixe avec un regard dément. Bordel : mais qu’est-ce qui lui est arrivé ?! Sa joue gauche est boursouflée, la peau de son visage pend mollement et son œil gauche menace de sortir de son orbite. On dirait un zombie ! Il tousse, crache du sang sur mon col et mon manteau, avant de baisser lourdement la tête, révélant le morceau de pierre rougie par la chaleur pas plus gros qu’un centime qui vient de lui perforer le crâne. Quelque chose d’apparence molle, grise et rosée semble vouloir s’échapper de l’orifice. Il ouvre alors la bouche et tente d’articuler quelques mots et syllabes, mais je n’entends rien d’autre qu’un enchaînement de sons et de grognements… Face à mon incompréhension, il marmonne de plus en plus fort, s’énerve et s’agite avant de me secouer violemment. Puis il finit par lâcher son emprise et s’écroule la tête la première contre le sol. Son corps est pris d’un ultime soubresaut, et un gargouillis répugnant s’échappe de sa gorge, me faisant presque vomir. Je n’arrive pas à m’empêcher de trembler, et il me faut quelques minutes pour réaliser ce qu’il vient de se passer…
En fixant le cadavre à mes pieds, un souvenir de fac me revient en mémoire. Cela ne fait qu’un an, et pourtant j’ai l’impression qu’une éternité me sépare de ce moment. Un passage de cours, de la psychologie je crois, qui parlait des besoins et des accomplissements de vie. Quelque chose de très philosophique à l’époque, peut-être même un peu trop éloigné de ce que j’étudiais à ce moment-là, mais qui aujourd’hui prend ironiquement tout son sens. D’après notre professeur, chacun d’entre nous entendrait juste avant de mourir une petite voix nous murmurer à l’oreille une dernière question. Es-tu heureux de la vie que tu as menée ? Est-ce que tu as des regrets ? Lorsqu’il nous avait dit ça, un frisson m’avait parcouru le corps… et aujourd’hui, en balayant les jardins du Trocadéro du regard, en voyant les gens recroquevillés sur eux-mêmes, pleurant et hurlant de tout leur être, ce même frisson refait surface. Je crois, à cet instant précis, que tous entendent cette voix singulière leur poser son ultime question… Et pour beaucoup, je devine leur réponse…
Soudain je t’aperçois au milieu de la foule, agenouillée parmi les décombres et les yeux rivés vers le ciel. Malgré la distance qui nous sépare, je vois ton visage trahissant le tourbillon d’émotions qui t’assaille : incompréhension, peur, déni, colère, désespoir. Sans perdre une seconde de plus, je cours dans ta direction. Dans ma précipitation, je trébuche sur un bloc de pierre mais me rattrape de justesse, bouscule avec désinvolture un inconnu qui croise ma route sans prendre le temps de m’excuser, jusqu’à finalement te rejoindre et m’asseoir près de toi. Mais tu ne me vois pas, car tu es absorbée par l’étoile noire qui menace de se désintégrer et de s’éparpiller dans notre atmosphère, à quelques minutes seulement d’annihiler toute vie. Je te secoue, je t’appelle, je hurle ton prénom malgré les sanglots… Et enfin tu tournes la tête. Enfin tu me vois. Mes mains se posent sur tes joues et essuient les larmes qui roulent sur ta peau. L’air désolé, tu bouges les lèvres et essaies de parler, mais les mots te manquent. Pourtant je devine ce que tu cherches à me dire et, attendri, je te souris. Pris par le temps qu’il nous reste, mes lèvres te répondent et osent dessiner les syllabes que je m’étais juré de t’avouer aujourd’hui. Et malgré la cacophonie, tu m’as compris. Tes bras s’enroulent autour de moi, les miens t’enserrent en réponse, et nous nous blottissons l’un contre l’autre. Ce havre de paix était tout ce dont j’avais besoin maintenant. La pression retombe d’un coup et je n’arrive plus à me retenir de pleurer. Dépassé par les événements récents et submergé par un incontrôlable flot d’émotions, mon cerveau génère dans mon esprit des images aussi vivides que la réalité. Je pense alors à toutes les belles choses qui m’attendaient dans l’avenir : aux nombreux projets que ma procrastination a repoussés encore et encore avant de disparaître définitivement de ma mémoire ; aux merveilleux moments que nous aurions pu vivre toi et moi… Je repense à notre rencontre, à ma maladresse et à ma timidité. Je remonte plus loin encore, la fac et le lycée, mon adolescence et mon enfance, mes amis et ma famille. Je maudis ma négligence vis-à-vis d’eux, le temps perdu à ne pas profiter d’être avec eux, les fois manquées où je n’ai pas osé leur dire à quel point je les aimais. Où étaient-ils tous, en ce moment ? Est-ce qu’ils étaient déjà… Non, je ne veux pas y penser ! Au fur et à mesure que les images défilent dans ma tête, je sanglote et tremble de plus en plus fort. Je manque de respirer, ma poitrine se soulève et s’affaisse en saccades, et j’ai l’impression que mon cœur va exploser. Jusqu’à ce que je l’entende à mon tour : cette pensée insidieuse qui me ronge l’esprit comme un acide rongerait le métal, cette petite voix cruelle me posant sa question assassine ! Non ! Pas maintenant, pas comme ça !
Mais au moment où j’allais me boucher les oreilles par pur réflexe défensif, au moment où la raison s’apprêtait à me quitter, la chaleur de tes paumes contre mes joues me ramena à la réalité. Ma respiration se calme en quelques secondes, et je finis par me redresser. Bien que le chaos règne toujours autour de nous, je me sens comme apaisé et libéré d’un poids. Ton regard plongé dans le mien semble vouloir me dire de ne pas m’en faire, de ne pas ressasser le passé ou d’envisager inutilement l’avenir. Car plus rien n’a d’importance maintenant, et nous voici tous les deux réunis. Et tandis que le monde autour de nous s’agite pour la dernière fois, nous nous regardons les yeux rougis par les larmes, nous nous sourions, et nous nous embrassons. À quoi bon lister tous les regrets que nous pourrions avoir : il est désormais impossible de faire machine arrière. Alors, au milieu de ce spectacle déchirant, de cette apocalypse flamboyante, de cette pluie d’étoiles incandescentes, transformons ce cauchemar en bonheur. Faisons-le durer encore un peu : aimons-nous une dernière fois, embrassons-nous une dernière fois, et dansons.
Dansons sous une pluie d’étoiles.
Rebonjour à vous ! 😃
Malgré l’issue… funeste de notre protagoniste, j’espère que cette histoire vous a plu ! Et pas de panique : notre bon vieux Soleil a encore de belles années devant lui ! Encore 5 bons milliards d’années ! Ouf ! 😌
Si jamais vous voulez me faire un retour sur cette histoire et échanger avec moi, n’hésitez pas à utiliser la section commentaire en bas de page ! Comme d’habitude : pas de message agressif, violent, haineux, etc.
Merci beaucoup !
Si vous appréciez mon travail et que vous aimeriez me soutenir, vous pouvez :
Quoi que vous fassiez, merci beaucoup pour votre lecture ! 🙏
Sur ce, prenez soin de vous et à bientôt pour de nouvelles aventures ! 😉