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Nous portons tous un masque

par Stéphane · 26 août 2025

Lorsque j’étais jeune, vers la fin de l’école primaire et juste avant mon entrée au collège, j’ai compris qu’il était plus sûr de se fondre dans la masse que de chercher à se démarquer. Nous voulons tous être uniques, c’est vrai, mais nous vivons dans un monde où le regard des autres dicte nos faits et gestes, où le jugement des autres peut, dans des cas extrêmes et lamentables, briser des vies. Les trop bruyants, les trop visibles, les excentriques… tôt ou tard, ils finissent par payer le prix de leur différence. Attirer l’attention, c’est s’exposer, devenir vulnérable, se condamner à être jugé. C’est offrir aux autres une cible. Alors, partant de ce postulat et ayant compris ce que signifiait exister aux yeux des autres, j’ai appris à être invisible.

L’astuce, c’est d’être comme eux. Imiter leurs gestes, leurs habitudes, leurs expressions, leurs silences. Ils se croient uniques, libres, maîtres de leurs décisions, mais en réalité, ils portent tous des masques, en permanence. La plupart ne s’en rendent même pas compte, d’ailleurs : ils avancent dans leurs existences avec cette certitude naïve d’être authentiques. Mais moi, je les imite. Je joue le jeu à la perfection.

J’ai appris à porter les masques qu’on attendait de moi. À rire quand il fallait rire, à froncer les sourcils lorsqu’il fallait se mettre en colère ou s’affirmer, à dire ce qu’il fallait dire au bon moment, jamais trop, jamais trop peu. Oui, j’ai appris à jouer leur jeu. Quelle que soit la situation, je porte le masque adéquat. Celui du collègue travailleur et toujours souriant. Celui du mari aimant et attentionné, du père bienveillant. Celui du client poli au supermarché, du passant inoffensif dans la rue. Celui qui fait de moi un homme lambda, sans histoire… invisible.

Au début, je pensais que le masque que je portais au travail était le plus difficile à garder. Rester courtois, affable, complaisant, même quand tout me donne envie de hurler. Mais non. Avec le temps, j’ai réalisé que le plus dur, ce n’est pas de porter un masque… mais de ne jamais pouvoir l’enlever.

Qu’importe.

Bientôt, ils verront.

Bientôt, il n’y aura plus de masque.

Bientôt, il n’y aura plus que moi.

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