Aujourd’hui, c’était pas une journée pour sortir. Il faisait super froid, le vent piquait fort, et la neige tombait tellement qu’on voyait presque plus nos traces derrière nous. Mais maman m’avait dit qu’on irait au parc, alors j’ai mis mon bonnet et mes gants. Elle m’a demandé trois fois si j’étais sûr. J’ai juste haussé les épaules. J’étais pas trop d’humeur à parler. Elle m’a regardé un moment, un peu bizarrement, puis elle m’a souri. Un sourire un peu triste, comme quand elle pense à papi.
On est allés au petit parc derrière la maison. Celui avec les deux sapins tordus et la souche qui ressemble à un grand fauteuil. Aujourd’hui, y’avait personne. Juste moi et maman. Et le vent.
Elle s’est assise sur le banc, comme à son habitude. Elle m’a dit :
« Vas-y, mon cœur. Amuse-toi. »
Alors j’ai commencé à faire un bonhomme de neige. La neige était pas terrible, elle collait pas trop, mais j’ai insisté. Je commence toujours par le bas, avec une grosse boule, puis je fais une boule plus petite pour la tête. Je les empile l’une sur l’autre, puis je prends deux branches pour les bras, deux petits cailloux noirs pour les yeux, et une grosse brindille pour la bouche. Et, pour finir, la carotte tordue pour le nez.
J’ai reculé pour le regarder. Il était un peu bancal, mais je l’aimais bien.
Et puis… il m’a parlé.
« Pourquoi m’avoir créé ? »
J’ai sursauté. J’ai regardé autour de moi, mais y’avait que lui. Et ma maman, sur son banc, qui regardait son téléphone. Le bonhomme de neige n’avait pas bougé… mais j’étais sûr que c’était lui.
« Tu sais… je disparaîtrai quand le printemps viendra… »
C’était une toute petite voix. Pas méchante, juste… un peu triste. Je ne savais pas quoi dire. Mon cœur battait très vite. Je crois que j’ai compris ce qu’il voulait dire.
Alors j’ai enlevé mon bonnet, et je l’ai mis sur sa tête. Il était trop grand pour lui. Moi, j’ai senti le vent froid sur ma tête. Ça piquait un peu, surtout depuis que je n’ai plus de cheveux. Mais c’est pas grave : j’ai l’habitude, maintenant.
Il a regardé le ciel tout gris, là où la neige tombait encore. Je me suis assis à côté de lui, sur la neige. On n’a rien dit. On a juste regardé le ciel.
Et puis j’ai murmuré, tout doucement :
« Oui. Moi aussi. »